Ce qui est difficile, c'est ce poids et cette douleur du secret que l'on ne peut partager avec personne. En dehors de ma famille et quelques anciens amis que je ne vois plus et desquels je n'ai plus aucune nouvelle, personne dans mon entourage actuel n'est au courant. Les personnes avec lesquelles je passe des journées entières, ces personnes qui deviennent des connaissances et peu à peu des amis, ces personnes avec qui je parle, ces personnes que, surtout, j'écoute, me confient leurs problèmes, leur histoire, leur présent. Elles se confient à moi. Mais moi, ce que j'ai à confier est imprononçable. Ce que j'ai à dire, je voudrais le crier, le pleurer, le hurler ! Et en même temps j'ai peur d'en parler. Il y a des soirs où je m'effondre, à l'abri dans ma chambre, sous mes draps, je pleure et hurle sans bruit. Et le matin je retourne dans le monde. Il y a des fois où ça fait tellement mal que je voudrais quelqu'un à qui parler. Et en même temps mon histoire est ma force. Je souris beaucoup et je ris parce que j'aime la vie. J'aime le repos du présent sans coups ni abus. J'aime ma liberté. J'aime ces fabuleux moments où il n'y a rien à faire, ces instants d'ennui qui ne font que mettre en lumière le calme sans aucune sorte de violence. J'aime ces moments où je peux travailler, me plonger dans des études qui m'inspirent, sans que personne ne vienne me faire du mal. J'aime découvrir les gens comme je ne les ai jamais vus. J'aime regarder une vidéo en étant libre dans ma tête. J'aime pouvoir me nourrir sans avoir aucune peur ou préoccupation sur les calories ou mon poids. J'aime voir le monde de ces deux facettes : l'horreur pour encore mieux voir le merveilleux. Et même si les pensées envers mon viol sont presque toujours présentes, je commence à m'y habituer, et les préoccupations du présent m'aident à me concentrer sur autre chose que ces horreurs.